Le Voyage Sans Faim
- Le chroniqueur

- 30 nov.
- 14 min de lecture
L’histoire que vous allez lire aujourd’hui est particulière.
Contrairement aux autres épisodes, elle ne repose pas sur un seul récit…mais sur un mélange de trois affaires bien réelles, toutes documentées.
Rendez-vous à la fin de l'histoire pour en comprendre toute la portée.
🎧 Vous pouvez aussi suivre l'histoire en audio
PARTIE 1 — BOIS PROFOND
Tom et Isaac s’étaient connus sur les bancs d’un lycée de province.
Dix ans plus tard, ils étaient toujours amis.
Et chaque année, ils se retrouvaient pour ce qu’ils appelaient leur road trip annuel.
Une semaine à randonner dans les plus belles montagnes et forêts.
C’était des connaisseurs dans le domaine. En 10 ans, ils avaient arpentés divers paysages dans différents pays.
Cette fois, les deux Américains avaient choisi une région peu fréquentée, à la frontière entre l’Alberta et la Colombie-Britannique. Une zone reculée, coupée des sentiers balisés, où seuls quelques chasseurs passaient encore l’automne. Le lieux semblait à la hauteur de leurs défis commun. Ils voulaient braver le froid du Canada ensemble.
Ils étaient équipés : vivres pour plusieurs jours, deux GPS, une balise de secours, un filtre à eau, vêtements thermiques, et même une petite caméra pour filmer leurs nuits sous les étoiles.
Et surtout, ils avaient l’expérience. Celle qui apprend à lire le relief, à reconnaître un col, à se repérer sans écran.
La première journée se déroula sans encombre.
La forêt était splendide : troncs givrés, silence feutré, lumière pâle filtrant entre les pins.
Le soir, ils plantèrent la tente près d’un ruisseau gelé, firent chauffer un café lyophilisé, et s’endormirent en riant.
Mais au matin… la neige avait recouvert la piste.
Rien d’inquiétant, au début.
Juste assez pour effacer les marques et brouiller les repères.
Plus aucun sentier. Plus de cairns.
Et, plus étrange encore, plus un seul bruit d’oiseau.
Ils décidèrent de continuer vers l’ouest, pensant rejoindre la vallée. Mais plus ils marchaient, plus le doute s’installait.
Au bout de plusieurs jours, ils savaient qu’ils s’étaient perdus.
Leurs vivres diminuaient.
Isaac sortit la carte, la replia aussitôt. Puis il dit :
« On n'a plus rien. Une barre de céréales, un peu d’eau, et un fond de café. »
Tom savait. Il avait compté.
Isaac parla d’un petit relais routier, à une trentaine de kilomètres, qu’il croyait avoir vu mentionné sur un blog. Il n'était pas sûr de l’emplacement exact. Pas sûr du chemin non plus. Mais c’était la seule piste.
Il proposa d’y aller seul, léger, juste avec une lampe, une boussole et son couteau. Il reviendrait avant la nuit, avec de quoi tenir encore deux jours.
Tom hésita avant de lui dire :
« On devrait rebrousser chemin. C’est trop risqué. »
Isaac secoua la tête.
« Si on fait ça, on ne reviendra jamais. On abandonnera. On a fait plus dur, tu le sais. Reste ici, monte la tente. Je reviens avec des conserves, et on continue. »
Un pari risqué.
Tom refusa d’abord. Mais Isaac insista.

Tom le regarda s’éloigner entre les troncs, jusqu’à ce que sa silhouette se fonde dans la forêt.
Il monta seul la tente. Alluma un feu. Prépara le peu de café qu’il lui restait.
Et attendit.
Une heure. Deux. Puis la lumière déclina.
Et Isaac… ne revint pas.
PARTIE 2 — SOLITUDE FROIDE
La nuit tomba lentement.
Tom resta assis près des flammes.
L’ambiance de la forêt avait quelque chose d’inquiétant.
Il aurait pu économiser du bois. Mais il préféra garder une bonne flambée.
La lumière le rassurait. Il ne l’aurait pas admis, mais c’était vrai.
Rester seul, dans l’obscurité totale, au milieu de nulle part… C’était trop.
Il finit par entrer dans la tente et laissa le feu dehors.
Le sommeil mit du temps à venir, il se retournait sans cesse dans son sac de couchage.
Le froid passait par les coutures.
Et surtout… il y avait des sons.
Au début, de simples craquements. Des branches, peut-être. Le bois qui travaille.
Mais ils étaient trop espacés. Trop lourds.
Comme des pas.
Lents.
Mesurés.
Tom retint son souffle.
Il tendit l’oreille.
...
...
Plus rien.
Puis ça recommença.
Toujours à distance, jamais tout près.
Mais suffisamment proche pour qu’il le sache.
Il resta immobile, yeux ouverts dans le noir, à écouter.
Cela dura longtemps. Peut-être une heure. Peut-être plus.
Puis, enfin… le silence revint.
Le feu, dehors, s’était presque éteint.
Au matin, Isaac n’était toujours pas revenu.
Tom sortit, fit quelques pas. Pas de trace fraîche. Pas de bruit.
Rien que la forêt, et le vent.
Il passa la journée à chercher un endroit plus abrité.
Il remonta le cours d’un ruisseau gelé, s’éloigna un peu du campement, puis revint sur ses pas.
La forêt semblait plus dense. Ou peut-être était-ce juste lui qui s’y perdait un peu plus.
Il entendit de nouveau un bruit.
Il s’arrêta net.
Un choc sec, contre un tronc.
Comme si quelque chose avait été lancé.
Ou qu’un animal s’était cogné.
Il appela. Une fois. Deux.
...
Pas de réponse.
Il rentra avant la nuit.
Le soir, il fit un feu plus grand : plus de bois, plus de lumière.
Il s’était dit que Isaac verrait les flammes de loin, s’il s’approchait du campement.
Il resta donc dehors. Assis.
Mais il ne pensait plus vraiment au retour de Isaac.
Il fixait la forêt.
Et c’est là qu’il la vit.
Entre deux troncs.
Une forme sombre, allongée.
Presque humaine. Il cru peut-être discerner les cornes d’un cerf, mais sans conviction.
L’ombre n’avait pas de contour net.

Il se leva.
Appela une fois.
Sa voix résonna sans écho.
Rien ne répondit.
Il fit quelques pas vers la lisière.
La silhouette recula aussitôt, comme aspirée dans l’obscurité des arbres.
Il resta là un moment, figé.
Puis retourna vers le feu.
Il se dit que c’était sûrement une illusion d’optique.
Un jeu d’ombres, ou cette chose… la paréidolie. Quand le cerveau croit reconnaître des formes dans ce qu’il ne comprend pas.
Mais au fond de lui, une pensée persistait : et si je n’étais pas seul dans ces bois ?
En reculant, il leva les yeux : la silhouette était réapparue… plus loin, au même endroit qu’avant.
Toujours à la même distance de lui.
Il la fixa quelques secondes.
Puis, sans savoir pourquoi, décida de regagner la tente.
PARTIE 3 — RÊVE
Il s’enfonça dans son sac de couchage.
La chaleur du duvet lui arracha un frisson de soulagement. Un peu comme quand on se cachait sous la couette, enfant.
Le froid et la fatigue eurent vite raison de lui malgré sa tentative de garder les yeux grand ouvert et sa faim si profonde qu’elle lui tordait le ventre et lui cognait la tête.
Le sommeil arriva… Et avec lui, le rêve.
Il courait.
Sans sac. Sans veste.
Ses pas étaient rapides, précis.
Devant lui, à travers les troncs, un chevreuil détalait à toute allure.
Il sentait son cœur battre fort.
Ses muscles brûler et la neige voler sous ses jambes.
Il n’avait pas peur. Pas froid. Juste… faim.
Le chevreuil glissa sur une plaque de glace.
Il se jeta dessus, dans un bruit sourd.
Ses mains saisirent l’animal au sol.
Il sentit la chaleur de son corps, le sang sous la peau.
Il pouvait enfin manger quelque chose.
Et puis… plus rien.
Tom ouvrit les yeux.
La lumière grise filtrait à travers la toile.
Il avait dormi profondément. Trop profondément.
Et surtout… il n’avait plus faim.
Cela faisait pourtant deux jours qu’il n’avait rien avalé.
Mais ce matin-là, il se sentait… bien. Comme si son corps s’était habitué à la faim.
En sortant de la tente, il remarqua des empreintes dans la neige. Pas les siennes. Pas celles de Isaac.
Des pas allongés, irréguliers, qui tournaient autour de la tente… avant de disparaître entre les arbres.
Il se pencha. Certaines étaient enfoncées plus profondément que d’autres, comme si la chose avait attendu là, longtemps. Très longtemps.
Au réveil, ses affaires avaient disparus.
Cette fois c’était sûr. Il n’était pas seul.
PARTIE 4 — OMBRES
Tom passa toute la journée à chercher ses affaires.
Il remonta sur plusieurs centaines de mètres en suivant les empreintes… mais elles se perdaient vite dans la neige vierge. Comme si on avait pris soin de brouiller la piste.
En fin d’après-midi, il revint à la clairière. Ses recherches n’avaient rien donné.
Le soleil déclinait déjà derrière les pins. La lumière se teinta de gris.
Un froid plus vif s’installa.
Et il les vit.
Pas une, mais trois silhouettes. Avec des contours bien humain cette fois.
Éparpillées entre les troncs, toutes à la même distance de lui.
Immobiles. Alignées, comme si elles encerclaient la clairière.

Il sentit son cœur accélérer.
Elles ne bougeaient pas. Elle ne faisaient aucun bruit.
Mais il savait qu’elles étaient là pour lui.
La nuit tomba vite.
Il rassembla du bois à la hâte et alluma un feu plus haut que d’habitude.
Le crépitement des flammes recouvrait à peine le silence de la forêt.
Il finit par se glisser dans la tente.
Pas pour dormir, juste pour être à l’abri. Parce qu’il n’avait aucune meilleure idée. Il était piégé. Qu’importe ce que sont réellement ces silhouettes.
Demain, quand il fera jour, il devra rebrousser son chemin au plus vite.
Evidemment, il avait tenté de le faire à plusieurs reprises mais la forêt est trop dense pour pouvoir se repérer. Il aurait fallu monter en haut d’un arbre gigantesque.
Enfin tout ça, c’est en supposant qu’il arrive à passer la nuit.
Car une fois le feu presque éteint, les bruits commencèrent doucement.
Un craquement à gauche.
Un autre, plus proche, à droite.
Puis… des voix.
Basses.
Saccadées.
Très proche cette fois
Il retint son souffle.
« Cette fois…on le bute. Il n’y a plus de feu! »
La phrase se perdit dans le vent, mais il l’avait entendue.
Clairement.
Il rouvrit le zip de la tente d’un geste sec.
Mais il n'y avait rien. Juste la lisière des arbres…et, plus loin,
ces trois formes sombres…toujours là, mais plus proches.
PARTIE 4 — OMBRES
Tom resta longtemps immobile dans la tente, les yeux fixés sur la toile, écoutant chaque bruit.
Les craquements se firent plus rares. Puis le silence revint.
Un silence si lourd… qu’il finit par fermer les yeux.
Comment était ce possible, alors même qu’il venait de vivre l’une des expérience les plus traumatisantes de sa vie ?
Eh bien même lui, n’avait pas la réponse.
Il rêvait.
Il avançait dans la forêt.
Il ne savait pas pourquoi, mais ses pas étaient plus lourds que d’habitude, plus longs.
Comme si ses jambes étaient faites pour couvrir de grandes distances.
Il traversait les troncs comme une ombre, sans bruit.
Et devant lui, dans une clairière, se tenait…une autre silhouette.
Pas un animal. Pas un homme non plus.
Quelque chose entre les deux.
Elle se tourna, et il comprit que c’était...lui.
Sa propre ombre, vaste et voûtée.
Surmontée de deux cornes fines, recourbées vers l’arrière.
Il resta figé.
Et dans le rêve, il sentit un sourire s’étirer…mais pas sur son visage.
Tom ouvrit les yeux.
L’air glacial s’engouffrait dans la tente.
Une large déchirure barrait la toile, du sol jusqu’au sommet.
Le feu était mort depuis longtemps.
En sortant de son campement décharné, il se figea.
À quelques mètres, deux corps. On aurait dit d’autres randonneurs...ou ce qu’il en restait.
Des carcasses grises, entièrement vidées de leur chair, comme rongées de l’intérieur.
Les os brillaient d’une fine pellicule de givre. Leur forme était méconnaissable.
Il y avait du sang absolument partout.
Ses mains tremblaient. Elles aussi étaient couvertes de rouge.
Son sommeil avait été si lourd qu’il ne se souvenait de rien.
Il recula lentement… et son pied heurta quelque chose.
Il baissa les yeux.
Des traces, à moitié effacées par le vent.
Allongées. Irrégulières.
Identiques à celles qu’il avait vues autour de la tente…mais plus grandes.
Beaucoup plus grandes.

PARTIE 5 — LA VÉRITÉ
Il avait quitté le campement.
Ses mains étaient engourdies, ses lèvres fendillées par le froid.
Chaque inspiration brûlait ses poumons.
Il avançait sans vraiment savoir où il allait.
Ses yeux cherchaient un signe… n’importe quoi qui prouve qu’il n’était pas le dernier vivant ici.
Et puis, au détour d’une pente douce, il l’aperçut.
Une cabane en bois, sombre, posée sur un replat enneigé.
Une mince colonne de fumée s’élevait de la cheminée.
Son cœur se serra.
Il accéléra, trébuchant sur les racines couvertes de glace, manquant de tomber à plusieurs reprises.
Plus il approchait, plus la chaleur d’un feu derrière ces murs lui paraissait réelle.
Il grimpa les trois marches du perron et frappa, fort, deux fois.
La porte s’ouvrit.
Un vieil homme apparut.
Derrière lui, une femme aux longs cheveux blancs attachés en tresse.
Pendant une seconde, ils se contentèrent de le regarder.
Pas de sourire. Pas de soulagement.
Juste… une inquiétude muette.
Puis le vieil homme parla.
« Partez.»
Sa voix était basse. Froidement polie.
Mais ses yeux… exprimaient quelque chose qui ressemblait à de la peur.
Tom cligna des yeux, puis il dit :
« Je… je suis perdu. Je cherche mon ami. Isaac. Vous l’auriez vu ?»
...
...
Un silence pesant.
La femme détourna le regard.
L’homme inspira, longuement, avant de répondre.
« Oui, on l'a vu »
Tom fit un pas.
« Où est-il ?! »
Le vieil homme hésita, puis sortit sur le perron.
« Suivez moi »
Ils contournèrent la cabane.
Derrière, le sol était marqué par une large butte de neige tassée.
Une croix de bois brut y était plantée.
Aucune inscription.
« C'est là qu'il est. » dit le vieil homme.

Tom resta figé, incapable de parler.
Ses mains tremblaient.
Le vieillard reprit, sa voix encore plus basse :
« J’étais sur la crête, à ce moment-là. J’ai vu… ce qui s’est passé.»
Il le fixa droit dans les yeux.
« C’était vous. Vous l’avez dévoré. Avec des cornes sur la tête..»
PARTIE 6 — LA FAIM
De retour à l’intérieur, le vieux couple resta debout, comme s’il craignait qu’il s’assoie.
Tom fixait le sol, incapable de trouver ses mots.
L’homme parla le premier.
Sa voix n’avait plus rien d’hostile. Seulement… de la résignation.
« Ici… on ne croit pas à ces histoires. Pas vraiment.
Mais dans ces forêts… les anciens parlent du wendigo..»
Il fit une pause, comme pour peser chaque mot.
« C’est une faim qui n’a rien d’humain.
Un esprit qui s’installe quand le corps est trop faible… et qu’il n’y a plus rien à manger.
Il vous pousse à franchir la limite. Et une fois que c’est fait… il ne vous rend jamais ce qu’il a pris.»
La femme le fixait, les mains jointes.
Il poursuivit :
« Mon père disait que ça arrive les hivers les plus rudes. Les chasseurs partis trop loin. Les trappeurs bloqués par les tempêtes. Quand on les retrouvait… il manquait toujours quelque chose. Des morceaux.
Parfois, on voyait des traces autour des corps. Des pas… trop longs pour être ceux d’un homme..»
Le vieil homme reprit, le regard sombre :
« Ceux qui ont survécu… ne sont jamais revenus tout à fait. Certains parlent dans leur sommeil, d’autres s’isolent dans les bois.
Et puis, il y a ceux qu’on ne revoit jamais… sauf la nuit, entre les troncs. Avec ces… cornes.»
Tom sentit ses tempes pulser.
Les images revinrent d’un coup.
La silhouette. Le sang chaud dans ses mains, dans son rêve.
La faim qui disparaît le matin.
Les traces autour de la tente.
Isaac.
Il comprit.
Et la compréhension se changea en dégoût.
Ses yeux s’embuèrent.
Il murmura, presque pour lui-même :
« Je ne voulais pas…»
« Oh, on ne veut jamais », répondit le vieil homme. « Mais c'est trop tard. »
Tom hocha lentement la tête.
Il recula vers la porte, sortit sans un mot.
Il marcha droit vers la petite dépendance à quelques mètres de la cabane.
Un abri de fortune où étaient rangés quelques outils, du bois… et un vieux fusil.
Il entra.
Referma derrière lui.
Puis, il se mit à pleurer.
Le silence revint.
Une seule détonation brisa la nuit.
Le jour suivant, la lumière froide se posa sur la clairière.
Dans la cabane, le couple ne se réveilla pas.
Leurs corps, gris et figés par le froid, gisaient dans leur lit.
La chair arrachée jusqu’à l’os.
Sur le sol, des empreintes profondes menaient hors de la cabane.
Elles s’enfonçaient dans la forêt… jusqu’à disparaître entre les pins.

LES ORIGINES
Dans les légendes amérindiennes, le wendigo est l’ombre de la faim.
Un esprit qui s’infiltre dans l’homme affamé… et l’y enferme pour toujours.
La nuit, il se transforme.
Il naît quand quelqu’un franchit le tabou ultime : manger de la chair humaine.
Dès cet instant, la transformation commence.
Le corps s’étire. Les membres se déforment. Les yeux s’enfoncent dans leurs orbites.
Et au sommet du crâne… poussent les cornes fines de la bête.
On dit qu’il n’a plus jamais chaud. Qu’il erre, éternellement affamé.
Et que plus il mange… plus sa faim grandit.
Certains affirment qu’il ne peut mourir que par les flammes.
Que c’est le seul moyen de briser l’esprit qui le consume.
Que Même le plomb d’une balle ne lui ferait rien.
Comme je vous l’avais annoncé en introduction, ce récit est inspiré de faits réels.
Évidemment, il n’est pas authentique dans tous ses détails…mais il est, en quelque sorte, un condensé de trois histoires bien documentées.
La première…c’est celle de swift runner.
SWIFT RUNNER
Hiver 1878, dans l’actuelle province d’Alberta, au Canada.
Swift Runner est un trappeur Cree, une tribu Canadienne de l’époque, connu et respecté dans sa communauté.
Père de famille, bon chasseur, il n’a jamais eu d’ennuis avec la justice.
Quand le printemps revient, il rentre seul d’une expédition hivernale.
Seul… et en bonne santé.
Sa famille entière, en revanche, a disparu.
Sa femme, ses cinq enfants, sa mère, son frère.
Sur leur campement, les enquêteurs découvrent des os humains brisés, vidés de leur moelle.
Et dans un pot de cuisine…de la graisse humaine fondue.
Swift Runner finit par avouer : il les a tués.
Il les a mangés.
Il raconte avoir été possédé par un esprit, un esprit de la faim qui s’insinue dans l’âme des hommes affamés… et les pousse à franchir la limite.
Les anciens le connaissent sous un nom : le wendigo.
Jugé et condamné à mort, Swift Runner est pendu à Fort Saskatchewan en décembre 1879.
Les témoins de son exécution racontent qu’il était calme…presque soulagé.
JACK FIDLER
La seconde histoire est celle de Jack Fidler.
En 1907, à des milliers de kilomètres plus à l’est, un autre nom revient souvent dans les récits du nord canadien : Jack Fiddler.
Chef et chaman de la communauté Oji-Cree, il est réputé pour sa capacité à combattre le wendigo.
Selon ses dires, il en a « libéré » quatorze personnes, des hommes et des femmes que lui et les siens croyaient déjà perdus.
Pour lui, il ne s’agissait pas de meurtres.
C’était un acte de protection : abréger leurs souffrances avant que la transformation soit complète.
Mais cette logique ancestrale ne résiste pas aux lois canadiennes de l’époque.
Arrêté pour le meurtre d’une femme soupçonnée d’être possédée, Jack Fiddler est emprisonné en attendant son procès.
Il ne sera jamais jugé.
Quelques jours avant l’audience, il se pend dans sa cellule.
Son frère, arrêté avec lui, mourra peu après…juste après avoir été gracié.
Et enfin, la dernière histoire qui a inspirée l’histoire de Tom et Isaac est un récit que vous avez sûrement déjà entendue.
Car c’est l’un si ce n’est LE cas de disparition le plus connu du 20ème siècle.
Cette fois, il n’y a pas de lien direct avec le wendigo, mais l’histoire est troublante.
LE COL DE DYATLOV
Le 23 janvier 1959, dix jeunes randonneurs se lancent dans une expédition à ski à travers les montagnes de l’Oural, en Russie soviétique.
À leur tête, Igor Dyatlov, un étudiant de 23 ans passionné par l’alpinisme.
L’objectif : atteindre le mont Otorten.
Peu après le départ, un des membres, Yuri Yudin, doit abandonner le groupe pour raisons médicales.
Il ne le sait pas encore… mais cette décision lui sauvera la vie.
Le 2 février, quelque chose se produit. On ignore quoi exactement.
Mais neuf randonneurs disparaissent.
Les recherches commencent plusieurs semaines plus tard.
Le 26 février, on retrouve enfin leur campement.
La tente est toujours là… mais elle est éventrée de l’intérieur.
À l’intérieur, tout est parfaitement rangé : sacs, vêtements, nourriture intacte.
Et pourtant, aucune trace des randonneurs.
Les secours trouvent les premiers corps à quelques centaines de mètres : deux jeunes hommes, pieds nus, vêtus seulement de sous-vêtements, allongés près des restes d’un petit feu.
Ils présentent des brûlures au troisième degré, et sur l’un d’eux… un morceau de chair est coincé entre les dents.
Des lambeaux de peau pendent aux branches de l’arbre sous lequel ils gisaient.
Un peu plus loin, trois autres corps sont découverts, dont celui d’Igor Dyatlov.
Ils portent des lésions internes graves : côtes brisées, crâne fracturé, coupures et ecchymoses multiples.
Aucune trace de lutte… aucune empreinte suspecte autour d’eux.
Le mystère s’épaissit lorsque la fonte des neiges révèle, plusieurs mois plus tard, les quatre derniers randonneurs.
Ils avaient tenté de se réfugier dans un abri de fortune creusé dans la neige.
Leurs blessures sont encore plus étranges : fracture massive du crâne, absence de langue, de lèvres… et même d’yeux pour certains.
Les vêtements de plusieurs d’entre eux présentent un taux anormalement élevé de radiation.
Face à ces découvertes, les théories se multiplient : attaque animale, avalanche, crise de panique due au vent, expérience militaire secrète… ou même attaque d’une créature inconnue.
Officiellement, les autorités soviétiques concluent à « une force naturelle irrésistible inconnue ».
Des décennies plus tard, la thèse de l’avalanche reste la plus probable aux yeux des experts : une masse de neige instable aurait frappé la tente, blessant certains et provoquant la fuite des autres, désorientés et incapables de retrouver leur camp.
Mais pour Yuri Yudin, le seul survivant, cette version n’explique rien.
Il était convaincu que ses amis, tous expérimentés, n’auraient jamais paniqué face à un danger naturel.
Jusqu’à sa mort, il a accusé l’armée soviétique d’être impliquée.
Aujourd’hui encore, plus de soixante ans plus tard, l’incident du col de Dyatlov reste l’un des plus grands mystères de l’histoire de l’alpinisme.
Et peut-être que la vérité, elle aussi, repose quelque part, enfouie sous la neige de l’Oural.



1 commentaire