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La Peste Dansante de Strasbourg

Quand une ville se mit à danser jusqu’à la mort

gravure de la peste dansante de 1518

Une épidémie étrange frappe Strasbourg

En juillet 1518, une femme sort dans les rues de Strasbourg et se met à danser. Seule au début, elle continue pendant des heures, puis des jours, sans musique ni fête. Les passants s’arrêtent, rient, s’étonnent, puis s’inquiètent. Car elle ne s’arrête pas.

Rapidement, d’autres habitants la rejoignent. Des dizaines, puis des centaines de personnes se mettent à danser. Dans les ruelles, sur les places, dans les marchés : la ville entière semble happée par une étrange frénésie. Les corps se tordent, se fatiguent, mais les jambes continuent. Les danseurs tombent au sol, puis se relèvent. Certains s’effondrent, épuisés, et ne se relèveront jamais.

Les chroniqueurs de l’époque racontent que plusieurs dizaines de personnes seraient mortes, victimes d’un épuisement extrême, de crises cardiaques ou d’accidents liés à cette transe incontrôlable.

Ainsi naquit l’une des affaires les plus étranges de l’histoire européenne : la Peste Dansante de Strasbourg.

Voici l'histoire qui se cache derrière la gravure d'Hendrick Honduis, que vous pouvez écouter au format audio

Écouter le podcast :

Pourquoi des centaines de Strasbourgeois se mirent-ils à danser ?

Pour les habitants du XVIᵉ siècle, les premières réactions oscillent entre peur et fascination. On parle de malédiction divine, de punition des saints, ou même d’une influence démoniaque.

Mais très vite, l’ampleur du phénomène dépasse les superstitions individuelles. En l’espace de quelques semaines, entre 50 et 400 personnes auraient été touchées par cette danse incontrôlable.

Les témoins décrivent une scène cauchemardesque : des hommes et des femmes dansant jusqu’à la perte de connaissance, parfois jusqu’à la mort. Les rues se transforment en lieux de souffrance publique, où la danse devient une prison.

Comment les autorités réagirent-elles à cette épidémie incompréhensible ?

Face à cette situation, le conseil municipal et les médecins de Strasbourg rejettent l’explication surnaturelle. Pour eux, ce n’est pas une malédiction divine, mais une maladie naturelle. Leur hypothèse : un excès de chaleur dans le sang.

La solution proposée semble, avec le recul, absurde : ils encouragent les danseurs à continuer. Plutôt que d’interdire, on organise des espaces dédiés à la danse, on engage des musiciens pour “accompagner” le mal, espérant que l’épuisement mènera à la guérison.

Des marchés sont ouverts, des scènes installées. Mais la stratégie empire la situation. Au lieu de se calmer, l’épidémie s’intensifie. Plus la musique résonne, plus les corps s’épuisent, et plus la mort guette ceux qui ne peuvent s’arrêter.

La Danse Macabre : un symbole déjà bien ancré en Europe

Cette étrange épidémie s’inscrit dans une Europe où le motif de la Danse Macabre est déjà omniprésent. Depuis le XIVᵉ siècle, les fresques et gravures représentent squelettes et vivants dansant ensemble dans une ronde sans fin.

Ce thème artistique rappelle à chacun que la mort frappe toutes les classes sociales, rois comme paysans, riches comme pauvres. À Strasbourg, la réalité dépasse soudain l’allégorie : la ville entière semble participer à une danse mortelle.

Pour les habitants, voir leurs voisins pris d’une transe sans fin résonne avec ce symbole déjà ancré dans l’imaginaire collectif. L’art et la réalité se rejoignent dans une scène d’apocalypse.

Peinture des danseurs fous

Quelles explications donnent les chercheurs modernes à la Peste Dansante ?

Cinq siècles plus tard, l’énigme n’a toujours pas trouvé de réponse définitive. Les historiens et scientifiques avancent plusieurs hypothèses.

  • Une intoxication à l’ergot de seigle :
    Causé par l’ergot du seigle, un champignon toxique pouvant provoquer des hallucinations et des convulsions. Mais cette explication ne suffit pas : l’ergot provoque surtout des douleurs physiques sévères avec des effets qui ne s'étendent pas sur plusieurs semaines, peu compatibles avec les récits historiques.

  • La psychose collective :
    L’explication la plus souvent retenue est celle d’une hystérie collective. En 1518, Strasbourg connaît une période de famine, de misère et de maladie. Les tensions religieuses s’ajoutent à la peur des épidémies. La danse aurait alors été une forme de catharsis, un exutoire psychologique transformé en contagion sociale.

  • Une réaction psychosomatique :
    Pour certains chercheurs, la Peste Dansante s’apparente à une réaction psychosomatique à grande échelle. Une transe incontrôlable née de l’angoisse et de l’environnement, amplifiée par l’effet de foule et l’imaginaire religieux.
    Pour d'autres, cette danse n’était pas seulement un symptôme psychologique. Des témoins affirment avoir entendu des voix, vu des possédés, ou perçu une musique venue de nulle part. Une force ancienne et invisible, transmise de corps en corps, que nul ne pouvait expliquer.

Aucune de ces explications n’a jamais été confirmée de manière définitive. L’épidémie reste l’un des plus grands mystères médicaux de la Renaissance.

Une histoire oubliée… mais pas effacée

Aujourd’hui, rien à Strasbourg ne rappelle la Peste Dansante. Aucune plaque, aucun monument. Et pourtant, cette histoire vraie reste l’un des épisodes les plus énigmatiques de l’histoire européenne. Un cas unique, à la frontière entre la médecine, le mythe et l’horreur. 

La Peste Dansante de Strasbourg demeure un mystère. Un événement aussi terrifiant qu’incompréhensible, qui nous rappelle à quel point la peur, la foi et l’esprit humain peuvent se mêler pour créer des tragédies d’un autre genre.

Écoutez l’histoire complète en version audio 🎧

Retrouvez cette histoire racontée dans notre épisode immersif de Chronique d’une image, avec ambiances sonores, extraits de lettres et récits d’époque. Laissez-vous transporter au Moyen-Âge le temps d'un instant.

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